« Celles qui ont l’habitude qu’on les cajole, ignorent la solitude que rien ne console… » (Bénabar).
Toute rencontre avec une autre personne se déroule en trois temps :
- - un temps d’accueil : on se met en présence de la personne avec laquelle nous allons échanger.
- - un temps de relation ; c’est-à-dire un temps où nous nous mettons à l’écoute de l’autre. Pour ce temps d’échanges, nous utilisons principalement trois de nos sens : l’écoute, le toucher, le regard. Avec ces sens je perçois et l’autre perçoit également. Par cette façon d’entrer en relation, je fais exister l’autre.
- - un temps pour la séparation : où l’on garde en mémoire ce que l’on vient de vivre et on revient à soi.
Dans le cas particulier de l’accompagnement d’une personne âgée ou malade, c’est la présence de l’accompagnant qui permet à l’accompagné de cheminer. L’accompagnant ne peut avoir pour objectif de rendre l’autre heureux. Il n’est possible que d’aider l’accompagné à trouver le bonheur qui est en lui.
Ces trois sens, qui sont innés chez l’être humain, nécessitent tout de même un apprentissage.
Apprendre à « Ecouter »
Apprendre à écouter, est nécessaire pour entrer en relation avec toute personne. Que ce soit avec une personne que l’on rencontre par hasard ou lorsque l’on rend visite à une personne malade ou âgée.
Ecouter est différent d’entendre. Il est possible de dire : j’ai entendu un bruit, mais je ne sais pas ce que c’est. Par contre, si l’on na bien écouté le bruit, il est possible de dire : je sais de quel bruit il s’agit. Une bonne écoute est un chemin pour aider l’autre à se confronter à sa réalité (qu’il exprime ou que l’on ressent) afin de l’aider à faire face à son problème. L’écoute est l’outil de la présence.
Le premier travail de l’écoute consiste à se décentrer de soi pour aller vers l’autre. Nos propres soucis risquent de parasiter l’écoute avec des réponses comme je sais ce qui est bon pour toi ou figurez-vous qu’il m’est arrivé la même chose.
En second, se souvenir que tout message traverse trois couches :
- - l’émetteur : qui est celui qui parle. Tout ce qu’il dit est chargé de son histoire.
- - le récepteur : qui est l’écoutant. Le message reçu est souvent déformé. Un mot exprimé par l’émetteur avec un sens précis, peut prendre un sens différent dans l’oreille du récepteur. Il est difficile d’intégrer entièrement ce que l’autre me dit. Il en est toujours ainsi dans les relations entre humains.
- - s’assurer que la communication est bonne. C’est-à-dire que le récepteur doit s’assurer de ce qu’il entend et s’il a bien compris. C’est ce que l’on nomme « la reformulation » qui consiste à reformuler les mots. Par exemple : une personne vous dit : aujourd’hui je ne me sens pas bien. Si vous lui répondez : vous verrez cela ira mieux demain. Alors vous pouvez être certain que votre interlocuteur ne vous en dira pas plus. Mais peut-être qu’il a envie de vous parler de ce qui ne va pas chez lui. Alors, si vous lui répondez : Vous me dites que ça ne va pas, vous ressentez quelque chose ? Ou bien Je vous sens triste…. ? Alors s’engagera une relation de confiance qui va permettre à votre interlocuteur de se sentir valorisé.
En agissant ainsi, vous offrez à votre interlocuteur un espace pour qu’il puisse s’exprimer.
Apprendre à « Regarder »
« Si l’on est sur de ce que l’on voit, on n’est jamais certain de ce que l’on regarde ». (Pascale Gondebeaud-Sylvander, psychologue).
Il y a une différence entre regarder et voir. Voir c’est percevoir des images ou des objets. Assis sur le bord de mer, je peux dire que je vois la mer. Regarder c’est s’appliquer dans la façon de voir. Lorsque je vois la mer, si je suis attentif, je peux regarder un kayak au loin.
Avant de savoir poser son regard sur une personne avec laquelle on échange, il faut être conscient qu’il y a en chacun de nous un miroir déformant ; et chacun de nous a son miroir. Nous interprétons le regard de l’autre en fonction de notre ressenti. Il est donc utile de prendre en compte que :
- - la réalité objective n’existe pas.
- - nous avons des filtres interprétatifs : notre culture, l’éducation, l’expérience et notre profession.
Ainsi, si vous supposez que votre culture est supérieure à celle de la personne que vous rencontrez, vous ne pourrez pas voir les beautés de l’homme ou de la femme qui existent chez tout être humain. Méfions-nous de nos perceptions immédiates. Un accompagnant doit avoir de l’altérité dans son regard.
« Il n’y a rien de plus intime, de plus chargé, qu’un silence partagé » (Leena Lander, écrivain Finlandaise). Le premier regard permet d’entrer en contact avec une personne. Effet, dans le silence le regard parle : la douleur, le chagrin, la joie, l’amour…. Le regard est une fenêtre ouverte sur le monde intérieur d’une personne. Il permet une rencontre authentique.
Comment regarder : lorsque l’on regarde une autre personne dans les yeux, c’est une invitation au rapprochement. C’est une façon de lui dire : « Tu m’intéresses, je suis tout à ton écoute, dis moi un peu de toi…. ». C’est le cas lorsque l’on est amoureux, on a envie de regarder l’autre ‘’jusqu’au fond des yeux’’.
Apprendre « le toucher »
« Discrètement vous avez glissé votre main vers les barreaux de votre lit, à portée de la mienne. A mon tour, j’ai avancé la main et doucement j’ai effleuré la vôtre. Vous avez alors fermé les paupières et esquissé un léger sourire. Et, dans le silence et la présence, vous vous êtes assoupie et nous sommes restées ainsi ‘’un bon moment’’. Puis, je suis sortie sur la pointe des pieds ». (Témoignage d’une accompagnante bénévole).
Dans le but de communiquer avec une autre personne, le toucher est un des moyens à la disposition de toute personne. La communication verbale n’est pas toute la communication. Le toucher peut permettre aussi d’entrer en communication avec une personne. Quelques règles sont nécessaires pour, à la fois, entrer en communication avec l’autre, tout en respectant son espace intime.
Nous avons tous un espace personnel autour de nous. Lorsque nous échangeons avec quelqu’un, on peut ressentir le besoin de se parler avec une distance que l’on nomme ‘’de protection’’. Parfois la distance peut se réduire et les mains peuvent se toucher. Au-delà, lorsque l’on ne voit plus l’autre dans sa globalité, nous mettons en communication nos sphères intimes. Cet espace personnel peut varier en fonction :
- - de la culture des personnes.
- - de la différenciation des sexes.
- - en fonction de l’instant.
Lorsque nous rencontrons quelqu’un, nous pouvons nous saluer avec une certaine distance. Il est possible également de se serrer la main. Nous pouvons également communiquer avec l’autre en lui mettant la main sur son bras ou son épaule. Les mains, les bras et le haut du bras ne sont pas des zones de l’intime chez les humains. Par contre, le visage, le corps, les jambes, sont dans les zones l’intime.
Dans la relation entre un accompagnant et une personne âgée ou malade, il est nécessaire de chercher la juste proximité entre distance froide et proximité intrusive. L’accompagnant va établir une relation de confiance, qui le conduira à approcher sa main de celle de l’autre comme une proposition de le rejoindre. Ou bien, c’est l’accompagné qui viendra chercher la main de l’accompagnant.
Texte et photos de Michel Riou (un bénévole de l’équipe des accompagnants)